Les vices de l’effet de richesse

Pascale Boyer *

La chute du Nasdaq aux USA et son impact sur les autres places boursières en Europe fait réfléchir tous ceux qui croyaient que la Bourse était facile et que l’on pouvait gagner à tous les coups.

L’accès des petits épargnants à la Bourse a engendré ce que les économistes appellent l’effet de richesse, "wealth effect" en anglais. Ce phénomène est apparu tout d’abord aux Etats-Unis où environ 50% des ménages détiennent des actions, puis en Europe où cette proportion est croissante.

Qu’est-ce que l’effet de richesse?
Les personnes qui investissent en Bourse ont tendance à dépenser plus lorsque la valeur de leur portefeuille d’actions augmente. Ce phénomène est particulierement pervers puisque les individus dépensent des gains qu’ils n’ont pas réalisé, qu’ils n’ont donc pas encaissé. Ils se sentent riches mais ont une fâcheuse tendance à oublier qu’ils ne possedent pas cet argent.
Un autre effet provient de la mise à disposition, par les banques et les sociétés de courtage "on-line", de crédits (permettant d’acheter encore plus d’actions) garantis par les titres du portefeuille.

Il va sans dire que l’on pourrait y voir un effet bénéfique pour la société étant donné que l’augmentation de la consommation des ménages entraîne l’économie avec elle. Tout le monde se sent rassuré sur l’état de sa richesse et dépense plus.

Les problèmes surgissent quand les marchés financiers chutent: pour les premiers qui ont dépensé sans penser viennent les restrictions (alimentaires, vestimentaires, retards dans les paiements essentiels comme les assurances, le loyer ou les impôts...) et les sueurs froides; pour les seconds qui ont emprunté sans penser viennent les ventes forcées de titres (au cours le plus bas évidemment... quand la Bourse baisse c’est normal...) afin de garantir la valeur de l’emprunt. La situation financière de certains peut même devenir précaire.

Une autre caractéristique de ce début de 21e siècle est l’investorisme composé des termes "investissement" et "consumérisme". Ce mouvement de consommation consiste en l’achat d’investissements (fonds de placement, titres, ...) plutot que de biens de consommation et de services. Les individus pensent qu’il est mieux de placer l’argent dans des titres plutot que de l’utiliser pour se procurer des biens de consommation car ils pensent que des sacrifices à court terme impliquent automatiquement plus plus d’argent à long terme.
Compte tenu de la volatilité, de l’incertitude, des marchés boursiers à la hausse comme à la baisse, il serait de loin préférable d’investir uniquement ce dont on n’aura avec certitude pas besoin dans un horizon de 5 à 10 ans. En effet, les placements à court terme sont très difficiles à gérer en tant que non-professionnel principalement à cause du manque de compréhension des mécansimes boursiers et de l’absence d’information en temps reel.

L’information est donc bien la clef du siècle à venir, mais elle pose aussi un problème. L’accroissement de l’information disponible (surtout sur Internet... comment s’en sortir et trouver ce que l’on cherche en peu de temps??) et la quantité de temps toujours identique que l’être humain peut y dédier pose le delicat paradoxe du filtrage. Le tri est essentiel mais comment être sûr de ne rien manquer. Même si l’on détient l’information encore faut-il qu’elle soit disponible au bon moment.

Sans que l’on s’en rende compte, les marchés financiers, et par là l’économie, ont une grande influence sur les comportements de tout un chacun. L’homme est très souvent irrationnel en dépit de toutes les hypothèses des théoriciens économiques et des philosophes. Toutefois, même si l’irrationnel influence une grande partie de notre vie, il faudrait continuer à rester indépendant et à l’abri des tentations matérialistes. Il est indéniable qu’avoir de l’argent est indispensable mais il faut savoir rester simple, les pieds sur terre... même quand on possède des actions...





©2000 Pascale Boyer
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